Le séjour touristique habituel est de 3 à 4 jours sur l'île de Pâques. L'agence dans laquelle nous avons pris nos billets d'avion avait d'ailleurs insisté sur le fait que l'île était petite, on s'y ennuyait vite, et que vraiment, 3 ou 4 jours étaient largement suffisants. Un peu obstinées, nous avons dû pas mal négocier pour obtenir des vols avec 9 jours d'écart !


Rapa Nui (le nom de l'île dans le dialecte local du même nom) est surtout célèbre pour ses Moais, ces fameuses statues mystérieuses réparties aux trois (et non quatre) coins de l'île. Elles sont de 1 à 15 dressées au même endroit, toujours dos à la mer sauf une rangée de 7 faisant exception. Elles sont plus de 880 et couchées par terre dans la plupart des sites. On peut visiter une carrière où elles étaient taillées directement dans la roche. D'après ce qu'on en sait, elle représentaient les ancêtres d'un clan porteur de Mana : la force de vie et le courage. Lorsqu'un clan en vainquait un autre, il couchait par terre ses statuts. D'autres théories parlent de tsunamis ou de séismes qui auraient couché les statues...

Lorsque des récents explorateurs s'y sont intéressés, aucune statue n'était debout ; elles ont été redressées ensuite.


L'île de Pâques a une forme triangulaire et est éloignée de toute terre habitée. Elle mesure 173 km2. Il y a une seule et unique ville : Hanga Roa. De la ville, on va à l'autre bout de l'île en 2h30 à vélo, et on en fait le tour en 1h en voiture (sans s'arrêter), pour vous donner une notion des distances. Officiellement, l'île appartient au Chili, mais géographiquement elle est dans la région du pacifique qu'on appelle la Polynésie (comme la nouvelle Zélande d'ailleurs, parfait pour une bonne transition pour nous). Les Rapa Nui se sentent profondément polynésiens et ont le sens de l'accueil qui va avec !


La plus belle chose a découvrir sur cette île est sûrement ce peuple et pas forcément les Moais. Nous avons compris cela grâce à la rencontre de "tonton Gilles" (c'est le surnom que nous lui avons donné), un français vivant à Tahiti, marié à une Rapa Nui. Il nous a coachées. Son maître mot : "Laissez-vous porter" et "Ne passez pas à côté des gens."

Avec sa femme, ils ont été à l'origine d'un documentaire sur l'histoire assez récente et tragique de l'île de Pâques. Un petit peuple oublié et délaissé qui s'est battu pour gagner sa dignité (On vous invite fortement à le regarder, vous pourrez découvrir en prime de beaux paysages que nous avons vus).

Sur YouTube "l'histoire cachée de l'île de pâques": youtu.be/Y5qrDJ9fMCM 

Il nous a fortement invitées à faire confiance aux rencontres, saisir les occasions qui nous étaient offertes et oublier un peu l'hyper planification et les sentiers battus.


Première occasion : la course de chevaux

Un homme fête chaque année l'anniversaire du décès de sa mère. Pour cela, il organise une grande course de chevaux (à crue sur un chemin de terre). Un veau cuisait à la broche, chacun pouvait se servir de la viande, des crudités, du mais, des pommes de terre, de la bière... Comme il nous ont dit : " ici tout est gratuit, profitez!" Ce temps festif nous a permis un long temps de discussion avec un français des îles marquises, bien loin de notre métropole mais tout autant français que nous.


Deuxième occasion : Noël.

Nous avons d'abord partagé un repas crêpes (pour le côté festif, mais plus facile à trouver que du fois gras !) avec un couple de français rencontré sur l'île. Nous avons bien sympathisé avec eux, ils voyagent pendant un an à vélo en Amérique du sud. Et étant bretons, ils ne rigolent pas avec les crêpes ! Nous avons ensuite été à la messe puisque c'est leur façon de fêter Noël : les textes étaient en espagnol et les chants en Rapa Nui, accompagnés de trois accordéons, deux guitares et toute l'assemblée chantait, c'était très vivant ! Mais ce que nous avons préféré c'est le prêtre : un grand chapeau de plumes sur la tête, un collier de fleurs autour du cou et des coquillages cousus tout autour de son étole ! Les femmes se sont parées de couronnes de fleurs très colorées et les hommes vêtus de leur plus belle chemise à fleurs : un moment haut en couleurs !


Troisième occasion : repas de Noël.

Il y a 25 grandes familles sur l'île. Au moins une fois par mois, une famille organise un repas pour fêter un saint. Noël n'échappe pas à la règle ! Une famille avait donc préparé à manger pour toutes les personnes, de l'île ou non, désirant venir partager un repas avec eux (ou même juste venir prendre à manger). Beaucoup de monde était réuni, discutait autour de grandes nappes de pique-nique, assis par terre. Il y avait à manger à foison. Et la viande était succulente ! Plusieurs personnes avaient apporté des instruments et un groupe de musique s'était improvisé. Les gens venaient et repartaient au gré de leur envie de chanter et de jouer. L'ambiance était festive, et le plaisir de partager bien présent.


Durant ce repas, nous avons rencontré et discuté avec pas mal de monde, nous avons re-rencontré Gilles qui nous a donné plusieurs bons plans: une balade à cheval que nos voisins de table ont négocié entre eux pour savoir lequel nous ferait le prix le plus bas, et une soirée (mémorable) à la discothèque de l'île où un groupe local a joué et dansé.


Nous pourrions écrire encore de nombreux récits sur cette île de Pâques... En arrivant nous ne savions pas trop quoi faire, que visiter en premier, où aller; mais au fur et à mesure nous avons eu pleins de propositions. Nous les avons eues car justement nous étions libres et que nous étions ouvertes aux gens. Nous nous sommes laissées porter, et de rencontre en rencontre, nous avons pu découvrir une autre île que celle proposée par le Lonely planet ou le Routard. Nous avons découvert une île vivante et généreuse qui ne se limite pas aux Moais.


Un dernier exemple de leur générosité ? Le stop ! La première voiture (pas de touristes) qui passe vous amène là où vous voulez (si elle va dans le coin). Parfois, il n'est même pas nécessaire de lever le pouce pour que des voitures s'arrêtent et demandent si vous avez besoin d'aide, ou besoin qu'on vous ramène, si vous êtes loin de la ville.


Nous espérons sincèrement que cette île, et surtout ses habitants, vont rester tel qu'ils sont. C'est à dire encore un peu sauvage, avec ses routes en terre et surtout ses gens d'une gentillesse incroyable. Depuis la libération récente des Rapa Nui, le tourisme sur l'île a explosé. Le nombre de Rapa Nui est devenu moins important que tous les expatriés chiliens ou autres (les français sont aussi très très nombreux) qui sont venus pour abonder de commerces fleurissants. Beaucoup de gens viennent sur l'île sans savoir ce que ce peuple à vécu, même les nouvelles générations ne sont pas toujours au courant du ghetto dans lequel ont vécu leurs aînés. Ces grands changements transforment peu a peu les traditions locales en folklore. Il y a 30 ans, un gros bateau venait tous les six mois pour apporter du ravitaillement (matériaux de construction, moyen de transport...). Aujourd'hui il en vient deux par mois. Et 2 à 3 avions par jour viennent ou partent vers Santiago.


Nous serions bien restées un peu plus sur cette île... C'est la première fois que nous étions si tristes de quitter un lieu, avec le sentiment que si on pouvait revenir un jour, on ne la retrouverait pas comme on l'a connue aujourd'hui : belle, intéressante, accueillante, sauvage, mystérieuse...