Quel est votre métier, l’aimez vous ?

Antonio : Je suis professeur d’anglais. Ce n’est que le métier avec lequel je gagne de l’argent ! Enseigner c’est intéressant lorsque les gens ont envie d’apprendre… mais ce n’est pas le cas à l’école ! Mon autre travail, que j’aime vraiment, c’est de construire notre projet de vie.

Lila : Mon principal travail est de prendre soin de ma famille. Et mon autre travail (traduction et transcription dans des affaires criminelles) c’est juste pour gagner ma vie. Je ne l’aime pas trop, mais je remercie Dieu de l’avoir, pour subvenir à nos besoins.


Qu’est ce que vos parents vous ont transmis ?

A : La volonté de travailler dur, et de donner tout ce qu’on a pour sa famille. Le sens de la justice aussi. Mon père s’est donné pour notre famille, mais en se donnant complètement, il nous a transmis de bonnes et de mauvaises choses… Moi il m’a transmis son impulsivité… ça c’est plutôt négatif.

L : Mon père ne m’a pas transmis grand chose à part la violence, la peur, et l’anxiété. Ma mère a fait de son mieux… elle était aimante avec moi.


Que voulez vous transmettre à vos enfants ?

A : Je voudrais que mes enfants soient fidèles à eux-mêmes dans leur vie. Je veux qu’ils soient authentiques et heureux, qu’ils développent une spiritualité pour ne pas se limiter au monde matériel. Pour moi, les valeurs essentielles sont : la simplicité (rejeter la vie facile pour choisir une vie simple), travailler dur, savoir faire des compromis, développer le respect de soi-même, et ne pas se laisser influencer par les concepts sociaux. Mais le plus important c’est d’être soi-même.


Dans votre quotidien, qu’est ce qui est source de joie ?

A : La première chose qui me vient à l’esprit, c’est m’asseoir à table, et que notre nourriture soit le fruit de notre production. Mes autres moments de joie sont des moments en famille. J’aime voir que mes rêves se réalisent, j’ai l’impression que la vie est magique. Les rêves sont un peu comme des graines que j’ai plantées dans ma tête il y a longtemps, maintenant la plante sort de terre : mes rêves se réalisent… Je suis le jardinier, mais une autre force magique aide mes plantes à sortir de terre… c’est merveilleux !

L : On a tant d’échange d’amour dans notre famille, qu’il est difficile d’en choisir un. Chanter Hare Krishna, parce que je me sens bien, j’ai l’impression que Dieu chante sur ma langue. C’est encore mieux de chanter à plusieurs, ça me donne l’impression que mon coeur est rempli.


Quel est votre plus grande peur ?

A : Avoir une maladie qui m'handicaperait énormément. Pour moi c’est pire que la mort. Sinon me réveiller du rêve que je vis : je travaillerais dans une banque et j’aurais une femme obèse ! Actuellement, j’ai l’impression que je vis un rêve éveillé. Je crois que dans la vie, tout peut changer en une minute, il faut y prendre garde.

L : J’ai peur qu’il arrive quelque chose à mes enfants ou de perdre Antonio, et de perdre tout l’amour que l’on partage.


Qu’est ce qui vous met le plus en colère ?

A : L’injustice. Surtout quand il y a une inversion des rôles entre victimes et persécuteurs ! Mon sang peu bouillir !

L : Injustice, mensonge, et trahison.


Lorsque vous étiez enfant, à quoi rêviez-vous ?

L : Je ne me souviens pas très bien. Ça devait être de devenir une grand cuisinière ! Quand je suis née, j’ai eu de nombreux problèmes de santé (et pas de lait maternel). Le manque de sécurité affective dans ma famille a fait que je suis devenue obsédée par la nourriture, puis obsédée par la cuisine !

A : Quand j’étais adolescent, mes rêves étaient ce qu'espéraient les adultes pour moi : j’ai voulu devenir avocat, militaire et prêtre. Vers 16-17 ans, j’ai rencontré un ami hippie. Il m’a permis de me faire une idée de la liberté, à travers une vie hautement idéaliste, de l’autosuffisance et d’une économie viable. J’ai gardé cette idée, en arrière plan, comme un cap à suivre même si c’était très utopique. Le cours de la vie a repris le dessus : j’ai étudié, je me suis marié, j’ai eu des enfants, j’ai travaillé… Et un jour je me suis lancé. Maintenant, je vis mon rêve et ça me rend réellement heureux. Finalement je pense que nos envies profondes ne sont pas rangées dans un coin de notre tête, elles restent sur le cercle de nos désirs et on finit toujours par y revenir.


Quel est votre rêve maintenant ?

A : Tout d'abord être plus sérieux avec ma vie spirituelle, pour être plus stable émotionnellement et spirituellement car avoir une bonne vie spirituelle permet de pouvoir gérer tout type de problème qui nous arrive dans la vie. Ensuite, avoir un travail rémunéré seulement la moitié du temps et l’autre moitié, générer le reste de l’argent par nos activités ici (tourisme, production de fruits, légumes…).

L : Mon rêve et mon objectif numéro un est d’avancer et de progresser sur mon chemin spirituel. Je voudrais découvrir ma véritable identité spirituelle en pleine conscience de Krishna et établir une relation éternelle avec Lui ainsi que tous les autres êtres vivants. Je souhaite être profondément immergée dans l'amour transcendantal et émanant de toutes mes relations et interactions avec d'autres afin de m’élever et être éclairée (Ma vie spirituelle est uniquement intellectuelle et séparée du matériel).



Qu’est ce que l’amour pour vous ?

A : L’amour est une action, un verbe et pas un nom. C’est donner/servir sans attendre en retour.

L : C’est l’expression et l’action de l’âme. L’âme de Dieu est comme un océan, et nous en avons chacun une goutte en nous. Si on enlève une goutte à l’océan il ne change pas. De même Dieu est l’essence même de l’amour, et le notre n’est pas différent, il est juste plus petit. C’est une manifestation de Dieu en nous.


Pensez vous donner et recevoir assez d’amour ?

L : Je ne pense pas qu’on puisse atteindre un état de saturation d’amour, on peut toujours plus… Je voudrais étendre ma capacité à donner plus d’amour. Je me trouve très chanceuse de recevoir autant d’amour de ma famille.

A : Je sens que je reçois assez d’amour, mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas en recevoir d’avantage. Donner plus ? C’est ce que j’espère ! L’amour c’est un peu comme l’argent : j’en ai assez pour vivre mais je pourrais vivre avec plus !


Pour qu'elle raison seriez vous prêt à tuer quelqu’un?

A : Ce serait une conjonction de pleins de choses je pense… Il faudrait beaucoup de rage et de colère, et d’injustice aussi. Il faudrait que ce soit un gros truc sur ma femme ou mes enfants, quelque chose d’irrémédiable. Je pense que quand on prend une vie, on perd un peu la sienne en même temps, c’est un genre de suicide, donc il faudrait que je n’aie plus rien à perdre, qu’il n’y ait plus d’espoir dans ma vie, et qu’une grosse part de moi soit déjà brisée. Quand on se sent trop cassé, on se fiche de ce qui peut nous arriver…

L : Je pense que je ne pourrais jamais tuer quelqu'un, pour aucune raison. Mais si je devais quand même en trouver une, ce serait quelque chose contre mes enfants avec beaucoup de souffrance.


Pardonnez vous facilement?

L : Je travaille dessus ! Ce n’est pas facile pour moi. Je pense qu’on peut pardonner, mais pas oublier. Oublier serait refuser de voir les choses en face ; alors que pardonner c’est accepter de regarder ce qui s’est passé. C’est un processus qui amène à la paix, c’est une preuve d’amour.

A : Si pardonner ce n’est pas oublier, alors je ne vois pas ce que c’est ! D’ailleurs on dit : “allez, on oublie ça ?” et ça veut dire que tout est pardonné. C’est une question difficile… Je ne sais pas vraiment ce que signifie pardonner. Parce qu’il y a des petits et des gros pardons et ça n’a rien à voir. Quand il y a beaucoup d’amour, de confiance, de bonnes intentions… Si la personne ne prend pas soin de tout ça, c’est difficile. Mais je veux croire que l’amour gagne toujours ! Comme une mère qui aime son enfant quoi qu’il fasse. Peut être que pardonner, ce n’est pas oublier l’acte mais sa douleur, on se souvient de l’incident mais plus de ce qu’on a ressenti. Parfois il m’arrive d’oublier sans le vouloir, parce que ma mémoire fait défaut. Mais je n’ai pas toujours pardonné pour autant, quand je reçois la personne, j’ai un mauvais sentiment et je ne sais plus pourquoi !


Que représente la nature pour vous ?

A : C’est la liberté. Lorsqu’elle n’est pas préservée ou modifiée par les humains, elle est capable de se développer et d’évoluer toute seule. C’est aussi une balance mystérieuse et chaotique… Elle est paix et violence en même temps. D’une certaine façon elle nous représente à notre état pur.

L : Rien à première vue ! Elle n’est pas là pour quelque chose, elle est simplement. Elle est authentique, sauvage.


Avez-vous vu la nature changer depuis votre enfance ?

A & L : Non… parce qu’elle ne change pas ! Elle est en constant renouvellement. Ce qui change c’est l’impact (dramatique) de la vie humaine sur elle, elle y répond simplement, peut-être par tsunami, ouragan, inondations…


Que faites vous pour la préserver ?

A & L : C’est un style de vie. Et celui que nous voulons.La vraie chose à préserver ce n’est pas la planète, c’est la vie humaine sur la terre. La planète, elle, était là bien avant nous et sera encore là après nous ! Mais les humains, eux, ne pourront pas survivre à tout. Ce que nous pouvons faire, c’est limiter notre impact/interférence sur l’écosystème par de bonnes consommations. Par exemple lorsque nous vivions aux États-Unis nous nous sentions investis parce que nous triions nos déchets, on en avait une énorme poubelle toutes les semaines. Ici nous n’avons presque plus de poubelle ! On n’est pas écologiste parce qu’on trie nos déchets mais parce qu’on en produit moins ! Ce sont nos consommations qui nous dictent le bon chemin. Nous pensons que tout le monde a la conviction mais pas l’impact. Nous osons croire que l’humain est assez intelligent pour trouver des solutions et mettre en action ses convictions. Nous ne savons pas dire si la solution est locale ou globale. Nous avons peur qu’à chercher trop compliqué, l’humain aille à sa perte. Nous avons peur que ceux qui ont des solutions soient trop intéressés par l’argent et ne répandent pas leurs bonnes idées. Par exemple, si l’on trouve comment fabriquer des ampoules qui tiennent 100 ans, personne ne voudra les fabriquer et les vendre puisque les gens n’en achèteraient que tous les 100 ans… Ca, ça nous fait peur. L’obsolescence programmée est un vrai problème. Pour nous, la meilleure chose à faire pour l’instant, est de rester calme et cultiver un potager !


Qu’est ce que le progrès pour vous et qu’en attendez vous ?

A & L : On ne peut pas avoir d’idée du progrès sans idée de nos buts, directions ou objectifs. C'est comme pour un bateau : s’il n’a pas de destination, il n’a pas de vent favorable… Une fois qu’on a une destination, tout ce qui nous aide à y parvenir est un progrès. Alors ça dépend de la personne, un progrès pour quelqu’un peut être un frein pour une autre. Le seul but commun à tous est peut-être de s’élever…


D’après vous, quel est le plus grand ennemi de l’Homme ?

L : La luxure. Les gens qui accordent beaucoup d’importance à tous les plaisirs de la vie (matériels, alimentaires, sexuels…) en oubliant Dieu derrière tout ça, parce que ce sont les opposés de l’amour. La luxure met l’Homme au centre de ses envies pour se satisfaire lui-même. C’est égocentrique.

A : Le capitalisme et la carte bancaire ! Non, plus sérieusement, un esprit incontrôlé. Un esprit propose tout le temps des choses et en veut toujours plus ; il est donc impossible d’atteindre la paix. Dans ces cas là, la personne devient une petite marionnette. Quand on essaye la méditation, on trouve une manière de contrôler son esprit, ce qui libère notre âme.


D’après vous, quel est le plus grand ami de l’Homme ?

L : Krishna (=Dieu), parce qu’il est toujours avec l’Homme, il l’accompagne en toutes choses. Et toutes les mauvaises choses qu’on peut faire n’affectent jamais notre relation à lui ; son amour dépasse tout.

A : Un esprit “contrôlé”, parce qu’il peut se ranger, gérer ses émotions, réguler les choses, répondre à des responsabilités… C’est important de pouvoir être discipliné, entrer dans une organisation.


La vie a-t-elle un sens ? Quel est le sens de la vie ?

L : OUI ! Actuellement nous sommes dans un corps matériel, mais notre âme a bien plus d’expérience (au travers d’autres choses matérielles). Le sens de chaque vie est de purifier son existence, découvrir son identité et établir des connexions pour découvrir l’Amour. Si tu atteins la connexion parfaite avec Dieu, tu quittes la vie matérielle pour rejoindre le monde spirituel éternel. Qu’importe le nom que l’on donne à Dieu tant qu’on cherche à établir des connections avec Lui et vivre dans l’amour…

A : Oui ! C’est vivre heureux de manière à ce que ton bonheur ne porte ombrage à personne, ni humain, ni animaux, ni plantes.


Un conseil pour le reste du monde?

L : Chante Krishna et sois heureux !

A : Sois loyal à toi même, qu’importe si c’est difficile, il n’y a pas de raccourci. Le monde a besoin de tes particularités ; c’est le meilleur que tu puisses lui apporter, il n’y a que toi qui peux lui apporter ça !